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Avant même son entrée en vigueur, le virage pro-business de l'UE menace la loi sur le devoir de vigilance des entreprises
information fournie par Boursorama avec Media Services 20/05/2025 à 17:05

Bousculée sur le plan économique, l'Union européenne a résolument embrassé une politique pro-entreprises, promettant des mesures de "simplification" tous azimuts pour alléger leurs "charges" administratives.

Le Parlement européen à Strasbourg. ( AFP / FREDERICK FLORIN )

Le Parlement européen à Strasbourg. ( AFP / FREDERICK FLORIN )

La loi européenne sur la "vigilance" sociale et environnementale des grandes entreprises est-elle encore "vivante" ? Négociée pendant cinq ans et prévue pour entrer en vigueur en 2028, elle a été visée coup sur coup par le chancelier allemand et par le président français, qui a demandé lundi 19 mai sa suppression pure et simple .

La prise de position du président français et du chancelier allemand pourrait porter le coup de grâce à ce texte, censé contraindre les multinationales à veiller au respect de l'environnement et des droits humains dans leurs chaînes de valeur. D'autant que l'Union européenne, en plein virage pro-business, a déjà reporté d'un an l'entrée en vigueur de la loi, de 2027 à 2028, malgré les protestations des organisations environnementales.

Interrogée mardi, la porte-parole de la Commission Paula Pinho a assuré que ce texte sur le "devoir de vigilance" (CS3D), était encore "vivant", avec une proposition de simplification mise sur la table par l'exécutif européen. Au Parlement européen, la gauche et les centristes érigeaient volontiers cette directive en symbole des compromis à l'européenne, arrachés au forceps face au lobbying des multinationales.

Avec cette loi, les grandes entreprises seraient tenues, sous peine de sanctions, de prévenir et de remédier aux violations de droits humains (travail des enfants, travail forcé, sécurité...) et dommages environnementaux (déforestation, pollution...) dans leurs chaînes de valeur partout dans le monde. Y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.

Dès 2021, les eurodéputés avaient adopté une résolution pour que la Commission prenne position. Un an après, l'exécutif avait fini par présenter un texte, ouvrant la voie à d'âpres négociations entre Etats membres et institutions européennes, racontées dans un documentaire diffusé sur la chaîne Arte, Le Compromis (coproduit par Factstory, une filiale de l' AFP ). Après des concessions pour limiter son impact, la loi avait été adoptée in extremis, en avril 2024 , à la toute fin du précédent mandat d'Ursula von der Leyen.

Virage pro-entreprises

Mais les élections européennes, marquées par la poussée de l'extrême droite, sont passées par là. Et Donald Trump a été élu aux États-Unis.

Bousculée sur le plan économique, l'Union européenne a résolument embrassé une politique pro-entreprises , promettant des mesures de "simplification" tous azimuts pour alléger leurs "charges" administratives. Et c'est au nom de la lutte contre la bureaucratie que Friedrich Merz puis Emmanuel Macron ont réclamé la suppression de cette loi, qui exige des entreprises des informations détaillées sur le respect de leurs obligations.

Les deux dirigeants vont dans le sens des organisations patronales qui considèrent cette loi comme un "fardeau administratif" qui pèserait sur la compétitivité des entreprises "au mépris des réalités opérationnelles" .

Au Parlement, la Française Manon Aubry (LFI, gauche radicale) et la sociale-démocrate néerlandaise Lara Wolters, -les deux eurodéputées qui ont planché pendant 150 heures sur cette loi- sont furieuses.

Un "totem d'immunité aux multinationales"

Emmanuel Macron offre un "totem d'immunité aux multinationales", accuse Manon Aubry. "La pire réponse à Donald Trump est de l'imiter", renchérit Lara Wolters. "Je trouve choquant et arrogant de revenir sur un compromis obtenu de haute lutte" , déclare-t-elle à l' AFP . Cette sociale-démocrate souligne que le chancelier Merz a été contredit par des membres de sa coalition sur le sujet. "Les choses bougent encore", veut-elle croire.

Des ONG comme Oxfam et les Amis de la Terre sont également montées au créneau, en reprochant à Emmanuel Macron d'attaquer "frontalement un texte crucial pour responsabiliser les multinationales".

Les eurodéputés présentaient cette directive comme une réponse à la catastrophe de Rana Plaza, du nom de l'immeuble abritant un atelier de confection de prêt-à-porter au Bangladesh qui s'était effondré en avril 2013, faisant 1.130 morts. Lors de son adoption au Parlement européen en avril 2024, les superlatifs ne manquaient pas pour saluer le caractère "historique" de cette loi, y compris chez les macronistes, dont la présidente actuelle du groupe Renew Valérie Hayer.

8 commentaires

  • 20 mai 21:25

    Maintenant, il faut aussi supprimer les lois RSE.


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